Résumé Les pérégrinations des moines de Saint-Philibert, de Noirmoutier à Tournus en Bourgogne, ont souvent été
citées dans l’historiographie pour caractériser la fuite devant les incursions scandinaves au IXe siècle. Isabelle Cartron revisite le périple des moines de Saint-Philibert et envisage leurs déplacements
moins comme les errances aléatoires des moines face aux Vikings que comme la construction d’un réseau de dépendances.
L’auteure s’est appuyée sur un abondant dossier documentaire, incluant l’analyse de divers diplômes et confirmations des droits délivrés en faveur de Saint-Philibert,
mais aussi des sources littéraires. La Vie de saint Philibert, puis deux recueils de Miracles de saint Philibert sont rédigés par le moine Ermentaire dans le deuxième tiers du IXe siècle. Les
sources liturgiques du monastère, ainsi que les indices archéologiques et des objets de culte (tel le flabellum, éventail liturgique) complètent la connaissance de la destinée de ce groupe monastique.
Le monastère de Saint-Philibert ou Herio a été
fondé au VIIe siècle par saint Philibert et Ansoald, évêque de Poitiers. Malgré le début des incursions scandinaves vers 819-820, ce n’est qu’en 836, que les moines quittent l’île
de Herio pour le site de Deas, proche du lac de Grandlieu, où s’élève bientôt leur deuxième monastère. Après 843, ils se partagent en plusieurs groupes, et s’installent notamment
à Cunault sur la Loire en Anjou (concédé en 845 par le comte de Tours) puis à Messais en Poitou en 862. Les moines s’appuient sur des lignages chargés de la défense des côtes du Bas-Poitou qui
leur garantissent des refuges vers l’Anjou et le Poitou.
Cette période coïncide avec des conflits récurrents avec les Bretons et une installation des Scandinaves dans la vallée de la Loire. Lorsque les Bretons parviennent à mettre la main sur le pays de Retz au sud de la Loire,
où est installé le monastère de Deas, c’est le signal d’un abandon durable des implantations du monastère et de nouvelles migrations.
Geilon est un personnage important pour le monastère. Entré au monastère en 867/868 et devenu abbé de Saint-Philibert avant
870, il joue un rôle essentiel dans l’installation définitive des moines de Saint-Philibert hors du Poitou. Il est parent du groupe familial chargé de la défense de la Basse-Loire (Renaud d’Herbauge, Ramnulfe II de Poitou)
et est étroitement lié aux hommes de confiance de Charles le Chauve, roi qui concède à l’abbé Geilon le castrum et la villa de Tournus, en 875.
Ces quarante années de pérégrination vont contribuer à forger une identité à ce groupe
monastique.
Catherine Faure-Delhoume